Le gouvernement n’en fait qu’à sa tête

par David Coon
le 2 avril 2015

Établir un budget, c'est prendre des décisions qui avantagent certains dossiers plutôt que d'autres. Dans le but de prendre des décisions éclairées, le ministre Victor Boudreau s'est rendu aux quatre coins de la province afin d'écouter ce que les gens du Nouveau-Brunswick avaient à dire concernant les priorités budgétaires de l'année en cours, tout en poursuivant l'objectif d'équilibrer le budget au cours des prochaines années. Est-ce que le ministre Boudreau et le ministre des Finances, M. Roger Melanson, ont vraiment tenu compte de l'opinion des Néo-Brunswickois?

Ainsi, l'élimination du remboursement des droits de scolarité pour les jeunes diplômés, une mesure qui vise à les encourager à demeurer dans la province après leur remise de diplôme, ne se trouve nulle part dans les pages du rapport de consultation du gouvernement intitulé « Ce qui s'est dit ».

Alors, que s'est-il dit au juste? Selon le rapport, la proposition la plus fréquente consiste à hausser les impôts des sociétés. Le gouvernement a même inclus cette suggestion dans son communiqué de presse annonçant les résultats de sa consultation publique. Pourtant, les impôts des sociétés n'augmenteront pas avec ce budget, en dépit du fait que cela nous mettrait à égalité avec les impôts de la Nouvelle-Écosse et générerait 68 millions de dollars par année, une source de revenus dont la province aurait grand besoin.

Quant au ministre des Finances, Roger Melanson, il insiste pour dire que nous sommes tous dans le même bateau, que le principe d'équité a guidé sa décision, que ceux qui ont les revenus les plus élevés devront débourser davantage. Cette semaine, les Marchés Mondiaux CIBC indiquent que les marges bénéficiaires des entreprises atteignent un sommet de 27 ans dans des secteurs chefs de file comme les produits du bois et les pâtes et papiers. De plus, le magazine Forbes a annoncé récemment que les avoirs des frères Irving se chiffrent à 12 millions de dollars, ce qui est à peu près la taille de la dette du Nouveau-Brunswick. Comprenez-vous mon raisonnement? Il s'agit ici de choix. 

Est-ce que nous demandons aux sociétés d'ici de payer leur juste part ou est-ce que nous faisons payer davantage les jeunes diplômés et les personnes âgées?


Pour être juste, il faut cependant mentionner que le parti au pouvoir a respecté sa promesse de créer deux nouvelles tranches d'imposition sur le revenu, soit à l'extrémité supérieure de l'échelle des revenus, afin que les gens ayant une plus grande capacité à acquitter la note soient tenus de le faire. C'est ainsi que fonctionne notre régime fiscal pour l'impôt sur le revenu des particuliers. Plus le revenu est grand, plus il faut payer. Ceci est loin de s'appliquer aux sociétés dont les revenus dépassent les 500 000 dollars.

Qu'a-t-on dit d'autre au sujet des dix suggestions les plus populaires publiées dans le rapport du ministre Boudreau? Arrêtons de donner les ressources naturelles et augmentons les redevances. Allons-nous gagner plus d'argent avec le bois et la potasse, ou encore avec l'extraction minière et gazière? Allons-nous continuer à donner nos ressources naturelles? Apparemment, oui.

Qu'en est-il des soins de santé? Parmi les 10 suggestions les plus fréquentes, le bien-être des gens obtient une place de choix. Un montant de 2,6 milliards de dollars sera dépensé à même le budget pour faire face à la maladie. Les 14 millions de dollars que nous avons investis l'année dernière afin de promouvoir une vie saine ont disparu avec l'élimination du ministère des Communautés saines et inclusives. Est-ce que ce montant apparaîtra ailleurs dans le budget? À la lumière de ces chiffres, 2,6 milliards pour les soins liés à la maladie et 14 millions pour le bien-être, ne serait-il pas possible d'arriver à un meilleur équilibre? J'ai posé la question au ministre des Finances, mais il semble incertain.

Une autre chose qui ne figure pas parmi ces 10 suggestions est l'élimination des 249 postes en enseignement et la fermeture des palais de justice locaux. Supprimer ces postes alors que le système d'éducation manque déjà de ressources est inacceptable. Fermer les palais de justice locaux permettra sans doute d'économiser un peu d'argent, mais est-ce que la justice sera rendue équitablement? Le ministre des Finances semble avoir oublié un détail important. Il n'y a pas de service d'autobus entre Saint-Stephen et Saint-Jean. Qu'est-ce qu'une personne est censée faire si son permis de conduire est suspendu ou qu'elle ne possède pas de voiture? Se rendre au tribunal pourrait s'avérer plus compliqué que prévu.

Finalement, comme la plupart des mesures mises en œuvre par le gouvernement, celle visant à maîtriser le déficit ne fait aucun sens; le budget accroît les dépenses de 1,5 pour cent de plus que l'année précédente et augmente les revenus de seulement 0,6 pour cent. En ce moment, la gestion des finances du Nouveau-Brunswick est complexe, car elle met le gouvernement dans une situation délicate sur le plan politique. Qui plus est, personne n'est enthousiasmé à l'idée de voir des postes de péage installés sur les autoroutes, d'être taxé sur la pollution liée au carbone ou encore de devoir subir la hausse de la TPS. Par contre, ignorer le problème jusqu'à l'année prochaine n'est pas une solution.