Ne craignez pas le déficit

Ne craignez pas le déficit
Par David Coon

« Le but global de la véritable politique est de maintenir la populace alarmée – et alors de guider les protestataires vers la sécurité – en les menaçant avec une suite sans fin d'épouvantails, tous imaginaires. » -- H.L. Mencken

La situation financière du Nouveau-Brunswick est loin d'être aussi inquiétante que certains voudraient vous le faire croire. Nous faisons certes face à des défis. Les administrations précédentes ont fait des erreurs qui ont aggravé nos défis budgétaires provenant de la récession de 2008, mais il n'existe aucune raison de prendre des décisions qui ébranleraient notre capacité de protéger notre bienêtre, notre durabilité et l'égalité de tous dans notre société. En réalité, nous devrions adopter ces objectifs comme principes pour bâtir un avenir sécuritaire et durable pour nos enfants et les leurs.

On prévoit que le déficit du Nouveau-Brunswick sera de 255 millions de dollars l'an prochain. Entre 1991 et 1994, nous avons fait face à des déficits encore plus élevés, tout comme nous l'avions fait entre 1982 jusqu'en 1985. Relativement à la grandeur de notre économie, notre déficit est comparable à ceux de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard. La RBC prévoit que le Nouveau-Brunswick dégagera un surplus d'ici 2018.

Vous pourriez vous demander ce qu'il advient de notre dette. Encore selon les derniers chiffres de la RBC, le niveau de la dette par habitant va se retrouver au milieu de la liste des dettes provinciales, avec celles de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve, de l'Ontario et du Québec dépassant la nôtre.

Certes nous faisons face à des défis, mais ils ne sont certainement pas insurmontables ni extraordinaires. Par contre, ce qui m'inquiète le plus est que ceux qui veulent exploiter la peur des Néobrunswickois avec la situation financière visent leur propre intérêt.

Voici certaines étapes qui, à mon avis, devraient être franchies pour renforcer notre situation financière et nous fournir les moyens d'investir pour satisfaire nos véritables besoins: s'occuper de la santé mentale des jeunes, fournir les services d'apprentissage et de garde d'enfants, améliorer les transports publics et garantir aux ainés de bons soins dans des milieux appropriés.

À 2,5 milliards de dollars, notre budget de santé est notre dépense la plus élevée. Le premier ministre devrait faire sa priorité d'améliorer le transfert fédéral de la santé en l'ajustant de façon à tenir compte de nos données démographiques. C'est une simple question d'équité. Les provinces avec une population vieillissante font face à des couts de santé plus élevés. Cela rapporterait 200 millions de dollars additionnels à notre budget de santé, mais cela exige des efforts soutenus. Les premiers ministres des Maritimes ont œuvré longtemps et d'arrachepied durant les années 50 pour garantir que la richesse du pays soit répartie avec justice dans chaque province afin de soutenir des niveaux comparables de services publics avec des niveaux comparables d'imposition. Aujourd'hui, nous devons à nos ainés de garantir que nous faisons la même chose pour nos soins de santé.

Dans la même foulée, nous devons déplacer les soins de santé primaire et les soins aux ainés hors de nos hôpitaux. Nos hôpitaux sont conçus pour guérir les malades et pour soigner les blessés. Nous devons accélérer l'établissement d'équipes de soins en collaboration dans des centres de soins communautaires pour offrir des soins de santé accessibles et préventifs que les médecins ne peuvent offrir seuls, et nous nous devons d'offrir des soins accessibles aux ainés. Les unités d'urgence doivent se concentrer sur les urgences et les chambres d'hôpital doivent être utilisées pour les malades et les blessés. Fournir les soins de santé primaires et les soins pour les ainés dans nos hôpitaux n'est pas équitable pour les intéressés et cela coute très cher. Et la même chose s'applique aux soins de santé reproductive qui peuvent être fournis avec beaucoup plus de compassion et à meilleur cout dans des cliniques financées par la province.

Pour ce qui est des revenus additionnels, le premier ministre pourrait générer 150 millions de dollars par année en plaçant une petite charge de 10 $ par tonne de carbone sur les importations de carburants fossiles; une portion de ces revenus pourrait être investie pour réduire les émissions en améliorant les transports publics, et le reste pourrait être utilisé pour réduire notre déficit. Comme le Québec l'a réalisé, la façon la plus simple de taxer le carbone est à la raffinerie où le pétrole est importé; dans notre cas, une autre source de revenus proviendrait d'Énergie NB qui importe du charbon ainsi qu'aux franchises générales et aux utilisateurs finaux qui importent du gaz naturel, tout en exemptant la portion du carbone qui peut être attribué aux marchés d'exportation.

Pour ce qui est du développement économique, nous devons poursuivre les emplois à long terme et non pas seulement des emplois à court terme pour la construction d'un oléoduc. L'administration devrait créer les conditions pour lancer la restauration de notre parc immobilier, ce qui créerait entre 600 et 1 400 emplois par année selon l'étude de 2012 commandée par l'administration du Nouveau-Brunswick. La loi sur les terres et forêts de la Couronne devrait aussi être réaménagée afin qu'un plus grand nombre d'emplois forestiers à long terme soit créé par l'utilisation du bois des terres de la Couronne, tout comme c'est le cas dans les provinces et les états voisins. Les abondantes ressources d'énergie renouvelable disponibles au Nouveau-Brunswick devraient être développées localement pour fournir des emplois dans la génération d'électricité propre, pour fournir de la chaleur verte et pour fabriquer de la bioénergie au lieu de rechercher des combustibles fossiles non renouvelables du passé. Accroitre notre dépendance économique envers l'industrie des carburants fossiles ne fournit plus un bénéfice net pour la société, puisqu'elle ne fait qu'aggraver la crise climatique et compromettre notre bienêtre loin des progrès que les promoteurs de la construction d'un oléoduc et de la fracturation de nos sols voudraient nous faire croire.

Comme nos provinces sœurs des Maritimes l'ont démontré, les économies locales peuvent être renforcées d'une manière importante avec la création d'un Fonds d'investissement pour le développement économique communautaire, dans le but de stimuler l'apparition de nouvelles entreprises et de créer des emplois locaux. Ces dollars destinés aux investissements qui autrement quitteraient la province sont ainsi retenus localement pour donner du travail aux Néobrunswickois.

Au lieu d'inciter à la crainte et à l'anxiété à propos de falaises fiscales et d'une faillite imminente, comme certains veulent le faire croire, nous avons besoin de discussions raisonnées à propos d'options réelles pour nous attaquer à notre déficit structurel. Des options existent pour répondre au défi. À titre de chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick et de député de Fredericton Sud, je lance un défi à tous les politiciens et politiciennes au Nouveau-Brunswick de placer de côté les manœuvres politiques et les querelles partisanes, et travailler ensemble à la conception de politiques fiscales durables afin que nous puissions continuer à fournir des services publics de bonne qualité à tous les Néobrunswickois.

- David Coon est chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick et député de Fredericton Sud